Nous travaillons à promouvoir une transition agroécologique basée sur les processus naturels et développons une recherche pionnière liée aux plantes herbacées pérennes.
Couverts multiservices
Depuis 2009, nos équipes travaillent sur l’intégration dans les systèmes de culture de légumineuses comme couverts végétaux « multi-services ». La famille des légumineuses (ou fabacées) est très utilisée en agriculture pour leur capacité à fixer l’azote atmosphérique (grâce à une symbiose racinaire) et enrichir naturellement le milieu en un élément minéral souvent limitant en agriculture. Nos travaux sur cette thématique se sont d’abord intéressés aux légumineuses dites fourragères qui jouent également un rôle de protection et d’amélioration des sols.
Nous nous sommes plus particulièrement intéressés aux céréales d’hiver (principalement blé – Triticum aestivum ou orge – Hordeum vulgare) associés à un couvert de légumineuses (trèfle, luzerne, pois, féverole etc. seul ou en mélange). L’objectif de ces travaux est de mieux comprendre comment s’appuyer sur des couverts végétaux multi-services pour favoriser la transition agroécologique des systèmes de production céréaliers. L’ambition étant de déterminer dans quelle mesure les couverts peuvent remplacer l’utilisation d’intrants pour la protection des plantes, la gestion des adventices, le travail du sol et la fertilisation des cultures.
Les travaux conduits sur cette thématique illustrent bien comment nous pouvons favoriser une transition agroécologique des systèmes agricoles en valorisant des processus naturels qui peuvent, au moins partiellement, se substituer au recours à des intrants agricoles. Il convient toutefois de noter que ces processus sont jugés plus difficiles à piloter/prévoir par les agriculteurs. Les agriculteurs enquêtés ou partenaires des expérimentations qui adoptent ces techniques insistent ainsi sur l’importance de changer son mode de raisonnement, être moins dans une recherche permanente d’optimum, de performances et plus dans l’acquisition de marges d’erreur/de manœuvre. Certains insistent sur la pertinence de viser un minimum réaliste et acceptable, sur l’importance de considérer le moyen terme, une stabilité des performances, la résilience d’un système. Ainsi, il n’y a que des bonnes surprises à attendre.
- Recyclage des éléments minéraux (N, P, K, S, etc.)
- Couverture des sols
- Gestion des adventices et des ravageurs
- Stockage de matière organique et carbone dans les sols
Contrairement à d’autres pratiques plus difficiles à mettre en œuvre techniquement, comme le semis direct sous couvert vivant, les couverts associés sont eux plus facilement applicables car ils permettent une gestion plus souple qu’un semis direct sous couvert et ne nécessite pas forcément d’investissements en matériel importants. De même, ils conduisent à une rupture moins forte dans les pratiques habituellement mises en œuvre par les agriculteurs qu’une transition vers du semis direct dans un couvert permanent. Nos travaux ont montré que les apports de ces couverts sont souvent sous-estimés. En revanche, comme toute technique s’appuyant sur le vivant, elle est complexe et délicate à piloter et l’évolution actuelle du climat impose de revoir nos repères et de réfléchir à des stratégies permettant une meilleure stabilité des performances et une plus grande résilience des systèmes.
Céréales Pérennes
L’introduction de plantes herbacées pérennes, progressivement sélectionnées pour améliorer la production de grains, permet de proposer une couverture de sol permanente, une production de biomasse fourragère complémentaire à la production de grains, et la restauration de fonctions écologiques souvent altérées par les systèmes de cultures annuelles en raison de la discontinuité des périodes de croissance et des perturbations chroniques générées par le travail du sol.
L’ISARA travaille depuis 2016 sur la thématique des “ céréales pérennes ” en tant que levier nouveau et potentiel pour la diversification des systèmes céréaliers et herbagers. Nos travaux se concentrent sur les possibilités d’utilisation de parents pérennes de nos céréales à pailles (blé, orge, seigle, …), en s’appuyant principalement aujourd’hui sur le cas de l’espèce Thinopyrum intermedium (Kernza®).
Pionnier de cette thématique en France, l’Isara a pu développer ces travaux en collaboration des universités et instituts nords-américains, ainsi qu’avec Gembloux AgroBioTech en Belgique, et Arvalis-Institut du végétal, INRAE et la coopérative Oxyane en France.
En comparaison avec d’autres sujets étudiés à l’ISARA, la particularité de la thématique “céréales pérennes” est d’être très exploratoire. Actuellement aucune semence n’est disponible chez les semenciers et les coopératives, et aucun marché n’y est associé en France. Les rendements en grains sont très faibles (300-1500 kg/ha), et l’on devrait plutôt parler de ‘proto-céréales’ plutôt que de ‘céréales’. Le grand intérêt de ce sujet est de faire vivre des espaces de recherche où l’on peut s’intéresser à des plantes complètement nouvelles et inconnues de nos systèmes agricoles et penser le long-terme.
CERPET – CERéales PErennes pour une Transition agroécologique des systèmes de culture
NAPERDIV – La culture de céréales pérennes basée sur la nature comme modèle de sauvegarde de la biodiversité fonctionnelle en vue d’une agriculture d’avenir
Les « céréales pérennes » correspondent à des nouvelles cultures issues de la domestication et sélection de plantes pérennes apparentées à nos cultures annuelles. La production de grains est améliorée par la sélection, tout en conservant la pérennité de la plante. Ainsi, des récoltes de grains peuvent être réalisées sans avoir à ressemer la culture qui repousse après la récolte. Aujourd’hui, la quasi-totalité de la recherche agronomique en Europe sur les céréales pérennes apparentées aux céréales à pailles se réalise sur l’espèce Thinopyrum intermedium en raison de l’historique de sélection et de la disponibilité de semences. D’autres espèces sont étudiées en Asie, en Amérique du Nord et en Afrique, comme le riz pérenne, le sorgho pérenne, le tournesol, le sainfoin… Seul le riz pérenne en Asie est aujourd’hui une culture reconnue, et suffisamment productive pour être utilisée par les agriculteurs en substitution de culture de riz classiques. Des recherches sont également en cours sur l’orge (Hordeum bulbosum), le seigle (Secale montanum) ou sur des variétés de blés pérennes (Triticum x Thinopyrum) mais le travail de sélection n’a pas encore abouti à des variétés ou populations ayant des applications au champ et qui ferait l’objet de travaux agronomiques et écologiques, à l’exception de quelques études sur le seigle pérenne.
Notre travail sur les céréales pérennes – en lien avec les travaux de sélection variétale conduits sur ces céréales – les équipes de l’ISARA étudient :
- Le potentiel de production : rendement et valeur céréalière-fourragère
- Les pratiques et itinéraires techniques les plus adaptés
- Les particularités phénotypiques (traits fonctionnels, figure ci-dessous) de la culture et leur influence sur les propriétés agronomiques et écologiques de celle-ci.
- L’influence sur la régulation de bio-agresseurs
- Le potentiel de réduction d’utilisation d’intrant et d’amélioration de propriétés physiques, chimique et biologique de sols
- La pertinence de ce type de culture face à l’accroissement des aléas climatiques (intensité et raréfaction des épisodes pluvieux printaniers et estivaux)